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jeudi 19 décembre 2013

18.12 L'appel du désert

Les prévisions météo sont assez claires... C'est LA journée. Chargé de remplacer Jacques pour le briefing, je sens la motivation gagner tous les pilotes.
Nous seront 16 à tenter l'aventure... Du jamais vu à ma connaissance.
Fort vent d'Est sur le Pad, de très bonne augure tout ça. Les clous d'amarrage sont vite accaparés et je me mets prudemment en retrait. Avec un vent pareil, il faut de l'espace... Même si "lacérator" Louis est très éloigné.
                                    Quelque kilos de carbone sur le Pad.

Les premiers dust devils font leur apparition... C'est un peu la panique chez les adeptes de la promiscuité.
Reinhart, dont ce n'est définitivement pas l'année, se fait retourner sur le Dolly. Bilan: une winglet et la quille cassée. Too bad :-(
Les Cadors ont annoncé des intentions gratinées, du genre Goageb retour... 400 km, rien que ça.
La CFSDPI a d'autres ambitions. Opal rêve (avec moi) d'un triangle FAI de 300 km avec une première branche plein ouest en direction de Betta.
                     Les VR ont la queue dressée ... Prêts pour la chasse!

Je décolle en queue de peloton, Michel me pose dans un thermique jurassien. L'idée est d'attendre les autres "frenchies" pour partir groupés.
Les conditions sont "spéciales" autour du Pad et je me retrouve à 200 m/sol, cocon ouvert à fulminer. Heureusement, le petit bouton "spécial Jura" sur ma speedbar fait des miracles et ça repart. 
Jean-Marie m'apprend qu'Opal ne décollera pas, en panne de radio. Alain ne répond plus également, la fine équipe se réduit comme peau de chagrin.
"Yvan de Louis.... Suis sur le restaurant de la C14 à 3000 en direction de Betta..."  Ce vieux bourrin a encore b... tout le monde mais je suis bien content de l'entendre.
Volets à zéro, nez dans la barre de contrôle, je lance mon fier VR à la poursuite du Mesnier sauvage... une espèce fourbe et rusée, mais oh combien efficace.
Arrivé sur la C14, Louis est déjà loin. Pas de problème, je connais "parfaitement" les lieux et suis capable de me débrouiller tout seul... Il n'y a qu'à suivre le route en fait.
Contact radio: "... Yvan de Louis... Km 40, 3100m..."  Je regarde mon vario, il m'indique Km 40, 3080m.
Alarme! Tout le monde sur le pont! Les femmes et les pilotes suisses d'abord!
Rapide vérification de la poignée du parachute, ok c'est bon. Je m'attends à une attaque de Moyes imminente. La morsure de ces bêtes assoiffées de Dacron laisse des cicatrices indélébiles, je dois être sur mes gardes.
Après 5 minutes passées à scruter les environs, la tension se relâche. Fausse alerte, pas de Louis dans les environs. Ce c... c'est certainement gouré de route. Je fonce plein ouest, tans pis pour lui.
Après un1/4h de vol, le désert du Namib est en vue. Bizarre, je ne reconnais pas vraiment l'endroit...
Pas de château de Duwiseb, Betta en vue très au sud... Ouuuups, Houston ... We have a problem...
Nom d'une crotte de Koudou... c'est moi qui me suis trompé de route, je suis 10km trop au nord.
Grand coup de manche à balai à gauche façon Von Richthofen (pour faire plaisir à José et Jacques) et j'annonce à Louis, un peu penaud, que j'ai fais un petit détour touristique... Il doit bien se marrer.
                                                      Sur la route de Betta

Bref, revenons à nos Springbox. La pompe de Duwiseb fonctionne et je fais un gros plein avant de m'attaquer au désert.
La magie opère... Je devrais dire la sorcellerie... Dune... Arakis... Les vers géants... (Pour les amateurs de Frank Herbert) J'avance comme hypnotisé par la beauté des lieux.
Biiiiip.... Biiiiip..... Bippp.... Une alarme retenti dans mon cerveau reptilien, le seul qui fonctionne encore.
Je viens de perdre plus de 1000m en quelques secondes, ça sent le piège.

Je reprend le contrôle de moi-même et me résous à renoncer à l'appel des sirènes du Namib.
Re plafond à Duwiseb et je fonce sur mon deuxième point de contournement: Helmeringhausen.
Foncer est le mot qui convient. Connu pour ne pas trop m'attarder en l'air, là c'est carrément du délire total. Une confluence s'est formée devant moi et le Flytec annonce 120 km/h sol et + 3m/s... On a connu pire.
                                                        Helmeringhausen 

Tourner Helmeringhausen s'avère enfantin, même si je dois composer avec une grosse zone d'ombre.
Cap au nord pour un retour à la maison. La confluence est toujours là, même si je sens déjà le souffle du Namib commencer son travail de sape.
Fouette cocher... Les tables sont passées comme une fleur. Petit détour par le Swartzrand pour faire un beau plafond  et je me retrouve vite en vue du Pad.
                                                Les tables sous un ciel sympathique

Vent faible, c'est tout bon... Mes 5h30 de vol mont "légèrement" émoussé et me suggèrent une grande prudence.
Posé sur un petit nuage à 5m de l'abri.  C'est fini... L'adrénaline retombe.
Mon aile à peine mise en sécurité, le Roi Namib m'envoie ses salutations vespérales, un bon 45km/h... Comme pour me rappeler qu'ici il n'y a qu'un seul maître... Lui.
Heureusement, un Saint Alain du Vercors, version améliorée du Saint Bernard reconnaissable à son tonneau de Savannah, est là pour aider à replier. Louis arrive dans la tourmente mais il en faut plus pour le déstabiliser. 

Bilan: triangle FAI de 217km pour Louis et moi.

Christopher tournera Gibeon et se posera après 360 km de vol. Beaucoup feront des aller retour de plus de 200 km.

Se sera ma dernière journée de vol... Je souhaite garder les images de ce vol dans ma tête... Pour toujours.

6 commentaires:

francois a dit…

Salut Yvan,
Toujours superbe de lire tout ça avec la "patte" de l’Helvète.
Voyager tout en lisant c'est déjà ça, j'ai l'impression d'être avec vous en l'air.
Peut être un jour...
Bon retour au pays,
FrançoisF qui fête aujourd'hui 19 décembre 2013 "40 ans de deltaplane".

francois a dit…

Au fait j'espère qu'il y a quelques GOPRO ou autres pour nous ramener quelques belles vidéos.

Laurent Z a dit…

Yvan, bravo! mais j'ai pas bien compris, ton aile s'est retournée et tu ne peux plus voler? M... alors! Enfin, t'auras été sur le désert, c'est aussi les plus belles images que je garde de ma carrière de deltiste!

Anonyme a dit…

Bravo, bravo, bravo et merci pour ces beaux récits... Bonnes fêtes de fin d'année. Bon retour et à bientôt. Sylvain V.

Anonyme a dit…

hello,
c'est trop beau ces paysages.
ca fais envie.Bon vol.
Pas compris aussi pq ton dernier vol??

Anonyme a dit…

yo, anonyme c'est Bertrand.
En tant que suisse je comprend maintenant comment ca marche ce truc.De bleu ya pas le feu au lac..